C’était un jeudi soir, perdu quelque part dans les années
80, vers la fin. Sur une chaîne est diffusé un film qui allait me faire
découvrir un réalisateur et un auteur dans le même temps. Le premier allait
devenir un de mes cinéastes préférés ; le second, mon auteur favori. Et je
me garderais bien de dire que je suis son fan n°1, formule que je trouve, tout
comme lui, effrayante.
Le cinéaste est JohnCarpenter.
L’auteur est StephenKing.
Le film, Christine.
L’histoire de cette voiture qui roule toute seule, qui se répare toute seule,
qui balance des vieux tubes des années 50 sur son poste et qui se venge si l’on
s’en prend à elle ou son propriétaire. Une histoire d’amour impossible et
violente, si tant est qu’une histoire d’amour puisse être autre chose. Ce film
comporte une réplique qui m’aura marqué. Arnie est venu rendre visite à son
pote Dennis cloué sur un lit d’hôpital. Arnie, métamorphosé en caïd alors qu’il
était un souffre douleur, lui demande alors : « Ne t’es-tu jamais
demandé quel était le rôle des parents ? Peut-être qu’ils ne sont là que
pour tuer leurs enfants. »
Je paraphrase mais on peut tordre cette idée dans tous les
sens, elle reste impressionnante, violente et gravée.
Deux jours plus tard, dans les rayonnages d’un grand
magasin, je cherche le livre Christine
car je veux découvrir cet auteur, bien conscient que je n’aurais pas le même
produit entre les mains. Je le trouve et sitôt de retour chez moi que je tombe
dans cette histoire, en découvre les différences et sans renier le film et son
réalisateur qui produit toujours un excellent travail, je suis sous le charme.
Avec cette envie de découvrir d’autres titres.
À époque, il n’y a pas d’internet. L’ordinateur même est un
luxe qui ne fait pas partie des prérogatives de mes parents. Ce n’est peut-être
pas un mal. On se renseigne en prenant les informations là où elles sont et
surtout en laissant aller notre intuition et notre confiance en l’auteur. Ma
première source d’informations est bien entendu la première page du livre,
celle où s’enchaînent les titres de cet auteur à première vue très prolifique.
Mon deuxième roman de Stephen King est Carrie. Encore une fois sous le charme, je confirme que cet auteur
est un grand. Catalogué dans le genre horreur, je trouve que cela va bien plus
loin encore. C’est psychologique, profond. King fait vivre nos propres peurs et
nous invite à suivre celle des autres. C’est beaucoup plus humain qu’on ne veut
bien le croire.
S’enchaîne alors les titres.
Simetierre, une
claque car très déstabilisant, morbide, sombre, glauque. Un malaise permanent
au long des pages.
Brume – Paranoïa,
car j’ai une ancienne édition en deux tomes. Il s’agit d’un recueil de nouvelles
et je comprends que King est à l’aise dans les récits aussi bien courts que
longs, voire très longs. Si Brume
fait partie des recueils qui ont ma préférence, il y a une nouvelle qui m’aura
particulièrement dérangé : Le Singe.
L’histoire d’un homme revenant sur les traces de son passé pour découvrir un
jouet, ce fameux singe aux cymbales que tout enfant a dû avoir un jour chez
lui, un peu comme un Kiki qui, lui, traversera un peu mieux le temps. Ces singes
avait quelque chose d’effrayant, un peu comme les clowns. Et dans la nouvelle,
il l’est plus particulièrement car cet homme a beau s’en débarrasser, le singe
revient sans arrêt et d’un coup de cymbales, réveille les pires cauchemars, les
pires souvenirs. Rarement je n’avais éprouvé autant d’angoisse devant un texte.
Cujo représentera
ma première déception. Enfin, « déception » est un bien grand mot. Disons
que le roman ne m’aura pas aussi bien enthousiasmé que les autres.
Je ne vais pas refaire toute la bibliographie de King. Très
peu de roman m’auront laissé de marbre. À part Cujo et Rose Madder, tout
le reste est de haute volée. Un succès qui perdure d’année en année, de titre
en titre.
J’ai quand même eut quelques moments de pleine admiration.
Devant Misery par exemple qui nous
plonge dans une angoisse sans nom. Haletant, on transpire pour cet auteur séquestré
par un des personnages les plus terrifiants qu’ait écrit King.
La Part des Ténèbresaussi m’aura laissé un excellent souvenir.
Plus tard, j’ai halluciné sur Sac d’Os. Entre sa description très méticuleuse de la perte d’un
être cher et de l’angoisse de la page blanche pour un écrivain, il faut tout de
même bien connaître Stephen King pour apprécier tout le génie de cet œuvre. Car
pendant près de 500 pages, tout est formidable, tout se passe pour le mieux,
rien de bien inquiétant, on s’installe confortablement en regardant plusieurs
fois la couverture pour confirmer que c’est Stephen King qui a écrit ce que l’on
pourrait presque appeler un conte de fée. En fait, on comprend que c’est pour
mieux enfoncer le lecteur dans une déprime sans nom par 100 dernières pages où
le cataclysme se déclenche, implacable, cruel, soudain.
La dernière fois que j’ai retrouvé cette atmosphère d’euphorie
en lisant King, c’était pour Dôme. J’ai
commencé à regarder la série diffusée à la télé. Et s’il y a une chose
indéniable que l’on doit ressentir lorsqu’on se pose devant une adaptation de
King, c’est justement cette ombre de l’auteur qui plane au dessus de l’œuvre.
Il est omniprésent. L’ambiance doit être particulière, lourde et légère à la
fois, un peu délurée peut-être. Hors, ici, je ne ressentais rien de tout cela.
Pire, je me disais que jamais King aurait traité ses personnages de la sorte.
Quelque chose n’allait pas. J’étais devant une série lambda qui répondait aux
codes traditionnels de la série de merde comme les studios savent si bien en
produire pour satisfaire le plus large public. Incapable d’admettre que King
soit tombé aussi bas, j’ai stoppé toute lecture pour ouvrir Dôme et me rassurer. Si j’ai été soulagé
de voir que la plume de l’auteur n’était pas devenue aussi pourrie que ce que j’avais
vu sur l’écran, j’ai tout de même été déçu de comprendre que King lui-même
avait renié son travail. Et voir Spielberg associé à cette trahison honteuse
est peut-être encore plus déroutant.
Il n’y a qu’un seul Dôme
et c’est le roman.
Pendant très longtemps, je n’ai pu lire autre chose que
King, ne trouvant mon compte nulle part. Si les choses ont changé, King reste
et restera indétrônable. C’est définitivement mon auteur préféré.
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